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Les 3 Compagnons : la légende de Finette, Adelin & Bernardin
 
A travers les mondes et les âges, il est une vérité que nul ne peut ignorer. Messagers de lumière, les yeux d’un enfant sont le reflet de l’insouciance que seul le poids du passé peut déraciner. Et lorsque de leurs sourires naissent un songe éphémère, l’espoir et la force guident nos pas à travers l’abîme du temps…
 
Alors qu’il livrait son ultime souffle, un doux murmure se faisait entendre sous la pénombre du grand chêne. Trônant fièrement au cœur de la forêt, le temps avait gravé dans son écorce les esquisses inégalables que conjugue la nature au plus que parfait. Dans sa chair se taisaient les silences de mille vies, mais dans un dernier soupir le gardien des mots contait l’un de ses plus beaux secrets… Celui d’une rencontre entre trois âmes insouciantes prénommées Finette, Adelin et Bernardin.
 
Conquérant et rêveur, Adelin arpentait les rues du Pays Strétois serrant entre ses mains une épée de bois. De la souche du vieil arbre dans lequel son père charpentier avait sculpté celle-ci, Il tirait vigueur et puissance. Les yeux emplis de poésie, le jeune garçon dont la chevelure arborait les tendres éclats de l’automne, se laissait à rêver aux contes et légendes des valeureux chevaliers. Aspirant à parsemer,  lui aussi, le monde de faits glorieux, il chevauchait contre vents et tempêtes sa monture imaginaire.
 
Son fidèle compagnon, Bernardin, empruntait chaque jour un chemin de traverse bordé par une nature abondante. De nombreux bestiaux, élevés au sein de l’exploitation familiale, le talonnaient et y savouraient avec délectation la fraicheur de la rosée matinale. Tout au long de son parcours, le garçonnet, astucieux et ingénieux, imaginait qu’un jour, peut-être, ici même, d’étonnants convois entraineraient, dans un élan de ferveur et de vivacité, les hommes vers des horizons lointains. Flânant et rêvassant, Il poursuivait sa route de sa terre natale de Donstiennes jusqu’au cœur de la forêt qu’on disait enchantée…
 
Dans cette vaste étendue, jardin de solitude et de repos, les jouvenceaux avaient trouvé refuge à leurs jeux et rires d’enfants alors que dicté par la malveillance d’une femme, qu’on nommait la Marie Jalouse, un maléfice embrasait le Pays Strétois de ses feux de tourments et de haine. Chacun de leurs sourires étaient un présent anonyme qu’ils gravaient dans la mémoire de cette divine nature.
 
Un soir, au coucher du soleil, le ciel se mit en colère dévoilant à tous ses déchirures et tourments empêchant toute venue au monde d’un nouveau-né*. Le décor ombrageux témoignait de l’allégresse perdue dans les griffes du passé. Apeurés et terrifiés, Adelin et Bernardin trouvèrent faveur et protection auprès du grand chêne. Lorsque, soudain, tel un rayon de lumière caressant l’ombre de la nuit, une jeune demoiselle apparut.
 
Elle se prénommait Finette. Le teint pâle de sa peau se mariait à merveille aux reflets d’or étincelant de ses cheveux. Elle provenait d’une autre terre, celle de Clermont, que la rivière, qu’on dénomme le « Gau », séparait du village de Strée. D’un geste simple et innocent, elle offrit aux deux jeunes gens une larme de l’eau claire qu’elle venait de puiser, non loin de là, à la source jaillissant des profondeurs de ces lieux qu’on disait enchantés.
 
Alors que les grondements du ciel se faisaient moindres, le grand chêne, témoin de leur rencontre, laissait les enfants, étendus dans le creux de ses racines, s’enfuir vers le pays des songes là où le temps se fige face à la liberté et à l’expression des Hommes….
 
Dans ce monde imaginaire, les trois compagnons voyageaient dans un univers empreint de bravoure et de grandeur dont ils étaient les héros. Plongés, au-delà de l’infini, leurs rêves les entrainaient dans un combat, vigoureux mais juste, qu’ils menaient au nom de la liberté du Pays Strétois. Dressés fièrement sur l’étalon du chevalier Adelin, les trois complices se rendaient à la demeure de la Marie Jalouse qu’ils avaient décidé d’assiéger. Bien qu’ils croisèrent de nombreux écueils sur le chemin qui les menait vers celle-ci, leur volonté de vaincre et leur ténacité les poussaient à effacer leurs craintes et à poursuivre inébranlablement leur route. Devant celle dont le maléfice avait enchainé de son mal le village tout entier, les enfants, guidés par la force de leur amitié, ne fléchirent pas. Jouant de malices et d’adresse, ils ligotèrent astucieusement la vieille femme autour d’un rondin de bois. Désemparée et intimidée face à l’éloquence de ces jeunes conquérants, l’ensorceleuse dû se résoudre à la seule évidence : briser le sort qui terrassait le peuple de Strée.
 
Aussitôt, l’aurore s’allumait sur un nouveau jour… Caressant leur peau, les doux rayons du soleil libéraient paisiblement Finette, Adelin et Bernardin de leur sommeil enchanteur… Ignorant que, non loin de là, une autre scène, authentique celle-ci, s’était jouée**, ils écoutaient  la brise légère faire écho des rires et des chants des enfants qui gambadaient, à nouveau, dans les rues du village. Fiers du combat qu’ils avaient mené, ils se tenaient debout, subjugués, non seulement par la grâce scintillante de cet instant, mais aussi par celle de la jeune femme qui se tenait face à eux. D’un geste tendre, celle qui portait le doux nom de Belle de Mai les pris dans ses bras faisant d’eux ses trois compagnons d’infortune.  Celle-ci assurerait, désormais, égards et protection à ces êtres dont l’innocence et l’insouciance avait fait naître un songe éphémère…
 
C’est de ce récit qu’est née la légende de Finette, Adelin & Bernardin que les Strétois appellent aujourd’hui « les 3 Compagnons » 

 BM

 

*Cfr. « la Légende de Belle de Mai »

**Cfr. Le procès de la Marie Jalouse et la délivrance du village de Strée par Belle de Mai.

Adelin

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