La légende de Belle de Mai

 

Belle de Mai: La légende

Strée, Cité prospère
 
De tous temps et de tous siècles, des hommes et des femmes se sont battus pour la liberté des leurs. Avec pour seules armes la beauté de leur coeur et l’amour sans fin envers leur terre, ils ont parsemé de faits glorieux l’histoire de nos vies…
 
On raconte que dans un lointain passé, régnaient paix et sérénité sur le Pays strétois. Au fil des quatre saisons, résonnaient rires et chants des enfants à travers les rues du village. Tel un rayon de soleil caressant les beautés qu’offre la nature, chacun de leurs sourires était un présent anonyme, porteur de pureté et de chaleur.
 
Emblème de vie et d’espérance, l’avènement des nourrissons était célébré de tous par de prestigieuses réjouissances sur la place. D’hier à aujourd’hui, les pierres des demeures qui s’y dressent restent l’authentique mémoire de chacun des vivants qui ont fait de ce lieu le coeur ardent de la vie du village. Ces quelques souhaits de bienvenue aux nouveau-nés étaient couronnés par le plus beau des couchers du jour que chacun se plaisait à contempler du haut d’une légère colline surplombant les terres. Recueil de toutes les saveurs procurées par une nature abondante, les habitants de Strée aimaient appeler ce lieu du doux nom « le Forêt ». Alors que la lueur de l’aurore annonçait les prémices d’un nouveau jour, d’innombrables voeux s’envolaient vers les cieux. Tel l’envol d’une colombe, ils étaient une promesse d’espoir et de recommencement possible, un encouragement à la vie et à la prospérité de la cité…
 
Strée, Cité maudite
 
Au temps venu des longs sanglots de l’automne, le jeune marronnier guettait la venue de ses premiers fruits. Alors qu’à ses pieds, sous un paysage de cuivre, les feuilles mortes se lançaient dans un ballet incessant, il se laissait à rêver aux générations futures qui, ici même, pourraient conter à leur descendance les plus beaux récits. Doux sentiment de mélancolie et d’aspiration annonçant la venue des jours plus froids. Et déjà, l’hiver survint. On dit de celui-ci qu’il était l’un des plus rigoureux. De la « Belle Étoile » à la « Terre dell’ Prelle », il recouvrait de son blanc manteau le paysage. Mais le vent de décembre semblait être le messager d’un malheur indéfini qu’allait connaître le Pays strétois…
 
A l’orée du bois du Tronquois vivait une femme malveillante. Tout son être semblait être animé d’une absence infinie de passion et d’illusions. Sa peau creusée par les griffes du temps était le reflet de l’abîme d’une vie qu’elle s’était condamnée à vivre seule. Nul n’en connaissait le pourquoi mais tous savaient ô combien son âme était meurtrie par la solitude. Alors que l’obscurité de la nuit prenait emprise sur la grâce du jour, son esprit captivé par les voix de l’ombre insufflait à chacun de ses mots l’éclat d’une intense démence… Tel un châtiment éclairé par la haine, ses quelques propos avaient pour seule raison d’anéantir le sentiment de paix et de sérénité qui régnaient alors sur le village de Strée.
 
Condamnant toute venue au monde d’un nouveau né, le maléfice embrasait la cité de tous ses feux de tourment et de haine. Les jours et les nuits n’étaient plus que douleurs infinies. Les cris de désespoir tenaient lieu des rires et des larmes d’enchantement que procure la naissance d’un enfant. Apeurés par la fatalité certains fuyaient leur terre alors que les vieillards, trop épuisés par une vie emplie de labeur, trépassaient sans jamais entrevoir le doux visage de leurs héritiers.
 
Face à l’irréparable, seule la vertu de l’homme semblait pouvoir corrompre ce mal profond auquel la cité était vouée. Le soulèvement de la foule, emportée par de profondes blessures, contraignait la cour de justice à se rassembler. Celle-ci, constituée du maïeur et des sept échevins, détenait droit de vie et de mort sur tout un chacun. Uni au coeur de l’enceinte de la Ferme de la Salle, haut lieu d’où il exerçait son pouvoir suprême, le conseil rédigea alors un acte qui, d’un trait de plume d’or, scella sur un parchemin la destinée de celle qui était à la source de tous ces maux. Par cette sentence, les gardiens de la paix aspiraient à rompre le sort venimeux qui rongeait les murs et les coeurs de la cité. L’enchanteresse, vaincue par les épreuves de l’eau et du piqueur, hurlait de terreur alors que les flammes s’emparaient de tout son être. Les vents qui soufflent aujourd’hui sur « Bidaudus », théâtre discret de ces faits, témoignent encore de chacun de ses cris…
 
De sa dépouille ne subsistait que cendres. La foule assoiffée d’aspiration et d’espérance parcourut alors les rues du village d’un pas enjoué afin de se défaire de celles-ci dans l’eau impure du Martinpré qui s’écoule sous « le pont de l’Hameau ».
 
Au temps venu des beaux jours, alors que la nature se réveillait, l’allégresse qui berçait auparavant la campagne strétoise n’avait pas repris ses droits. Fruit du sommeil éternel de la malveillance, l’espérance de voir renaître la vie par la sentence du peuple n’était que leurre. Mais par sa bonté et sa bienfaisance une jeune demoiselle allait rendre à la cité son bonheur perdu…
 
Belle de Mai
 
Dans les profondeurs du bleu de ses yeux était enfui un chagrin immense mais chacun de ses sourires étaient messager d’un amour sincère envers la vie. Emporté par le néant de la mort, le destin de celle qui l’avait mise au monde s’était brisé le jour de sa naissance. De cette absence injuste a fleuri une promesse emplie de force et de courage que lui rappelait chaque jour la clef qu’elle portait autour du cou en guise de médaillon. Ultime trace du chemin que parcourut sa mère dans cette vie, elle ouvrait les portes d’un amour infini qui les liait l’une à l’autre à tout jamais.
 
Guidée par les pas de l’insouciance, elle appréciait sillonner les rues du village dévoilant à chacun la fraîcheur de sa jeunesse. Du soleil, elle avait reçu en cadeau les plus beaux rayons qui offraient un éclat cuivré à sa longue chevelure. Au petit matin, à « la Fontaine au beurre », les paysannes caressaient de la paume de leurs mains le fruit de leur travail. L’eau y jaillissant de la source y était si pure qu’elles y lavaient le beurre. Lorsque la jeune fille se penchait pour cueillir quelques brins de muguet, toutes admiraient la beauté étincelante de son reflet.
 
Depuis que la cité était plongée dans le noir, les rires de ces femmes ne résonnaient plus à l’aurore cédant leur place à d’innombrables larmes. Le second dimanche de mai qui, à l’accoutumée, était jour de grandes liesses populaires allait être le théâtre d’une scène étonnante. À l’unisson, la foule rassemblée en masse sur la place du village clamait sa détresse. Animée de la bravoure du conquérant et de la certitude du pouvoir de vaincre, la jeune fille partagea alors avec l’assemblée l’histoire de sa venue au monde. Serrant au creux de ses mains son médaillon, elle conta à tous la force émanant de cet ultime présent d’une mère à sa fille. De ce précieux héritage, elle avait tiré vigueur et courage afin de faire face aux épreuves.
 
Non loin de là, émerveillé par ce récit et se laissant rêver au bonheur retrouvé, se tenait un jeune enfant. Il était celui qui, en dernier, avait vu le jour avant que le village ne soit plongé dans la tristesse. Implorant au plus profond d’elle-même la vie, afin que prospérité et grandeur reprennent leur droit sur le Pays strétois, la jeune demoiselle envahie d’espoir lui fit cadeau de la clef qu’elle portait au cou. En ce jour si particulier, par ce geste empli de bonté et de sincérité, elle venait de briser le sort qui enchaînait de son mal la cité toute entière…
 
C’est de ce récit qu’est née la légende de celle que les Strétois appellent aujourd’hui Belle de Mai…
 

B.M.

© JF Collignon - Victor Borgniet dans les bras de sa maman (Mai 2012)

La Marie Jalouse et son bourreau (Mai 2011)

La Cour de Justice de Strée (Mai 2011)

© JF Collignon - Le peuple de Strée (Mai 2012)

© JF Collignon - Belle de Mai (Mai 2012)